10 novembre 2010

Venus Noire - Abdellatif Kechiche - 2010

Bon... comment dire... (plan sur la montre) 1 heure de film... heu... si tu veux qu'on parte, pas de problème.
Vénus Noire, ou comment oublier ce qui était brillant dans la Graine et le Mulet et mal fagoter une histoire (vraie) tellement intéressante. A savoir celle d'une sud africaine, Saartjie Baartman, trainée en Europe pour exhiber sa gwosse cwoupe et faire saliver les dandys londoniens qui n'ont que du cul plat sauce cranberry à se mettre sous la dent.
Sur fond de début du XIXe siècle, il n'y avait pas meilleure époque pour étudier les mœurs d'une société sur le point de faire sa révolution industrielle et scientifique (qui va créer l'occident tel que nous le connaissons), et en même temps d'un obscurantisme humain assez crasse (des vieux restes de la renaissance et du colonialisme en marche). C'est l'époque de toutes les contradictions, de toutes les découvertes, de tous les courants de pensées, l'époque où tout s'est côtoyé pour créer notre société moderne.
Mais non, Abd el Hâtif n'en a cure. Mieux vaut s'acharner à faire des plans de 10 minutes sur le visage de Saartjie pour montrer combien elle subit sa condition, combien elle se saoule pour oublier, combien le monde est horrible... L'héroïne descend aussi lentement aux enfers qu'un hamish vers un bordel ! Toute subtilité est ici vaine. Mieux vaut passer 2h45 à retourner le couteau dans la plaie pour vraiment bien attendre la fin tragique.
Pour la mise en abîme, le spectacle de la Venus Hottentote se joue d'abord à Londres, genre la foire de la femme à barbe, puis à Paris dans les salons cossus de la bourgeoisie, qui dégénèrent en partouses de cougars à gogo (franchement toutes ces septuagénaires les seins à l'air, c'est vraiment compliqué à gérer au niveau émotionnel). Bref, c'est de pire en pire pour la pauvre Saartjie, et c'est pareil pour le spectateur. Heureusement qu'Olivier Gourmet joue les dompteurs avec son gros bidon, son gilet en cuir et sa tête de pédophile, voilà une image réjouissante ! "Sale Belge!" Peut on crier. Quitte a être considéré comme coupable par le réalisateur, autant jouer son rôle à fond.

Pour la jouer technique, Kechiche confond récit en spirale avec tourner en rond. Des foires londoniennes aux labos scientifiques français, le césarisé nous montre toujours la même chose (il pense philosopher à coups de marteau, là il nous casse surtout les c$£*µ%es). Une femme censée souffrir du regard et des gestes de ceux qui l'entourent, y compris le spectateur (vous aussi vous êtes venus la voir). Malheureusement, ce n'est pas le jeu de Yahima Torres qui va favoriser l'empathie, au contraire. (Pas)chiche lui conseillant d'être aussi monolithique qu'une pierre tombale. Bref en plus d'être jugé coupable par l'auteur, tout est fait pour nuire au spectateur. L'image numérique semble être un parti pris intéressant, pour une fois que l'on ose avoir une belle photo dans le cinéma français... c'est raté. Après quelques scènes réussies, on s'aperçoit que le Chef Op' a pris congé. Kechiche s'est rappelé qu'en France on refuse l'esthétisme, quel qu'il soit, car on s'interdit de déformer ou d'embellir le réel. Comme si la fiction était omnisciente, objective, quel que soit le point de vue du réal... Bref.  Images cramées, lumières extérieures complètement gâtées (aucun raccord, réflecteurs trop forts...), à croire qu'en France on filme tellement peu de noirs que l'on ne sait pas les éclairer. C'est facile, certes, mais quand on ajoute à cela le refus total d'une B.O, on a plus rien a se mettre sous la dent. On n'a plus qu'à se jeter par terre en attendant la fin et le mini sujet de JT qui accompagne le générique, histoire de remplacer les habituels cartons qui racontent la fin du personnage réel.

En définitive, Kechiche trahit ses intentions premières. Le film n'offre aucune plongée dans l'ombre de notre histoire pour ainsi faire le point sur l'époque actuelle et les relents de racisme encore présents dans notre société (cf. affaire Guerlain, le faux pas en avant de Chirac pour l'abolition de l'esclavage etc.). Les horreurs passées encore présentes dans nos institutions ne l'intéressent pas tant que cela, il préfère être un portraitiste macabre, chiant comme un croque-mort. La pauvre scène du tribunal britannique est la seule occasion d'avoir un discours nuancé sur les soi-disant humanistes (qui refusent de croire qu'une "négresse" sache jouer, ce qui est pourtant le cas). Kechiche rabâche le même pathos et la même naïveté déjà présentes dans l'Esquive afin d'émouvoir la bourgeoisie sur le sort de ce(ux) qu'elle ignore. Il préfère s'embourber dans un discours aussi primaire qu'abrutissant: "Tous Racistes ! Même toi le spectateur."

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