Pourquoi The Social Network n'est-il pas un College movie comme les autres ? Sur le papier, ce film retrace la naissance du désormais inévitable Facebook et de son créateur, Mark Zuckerberg. La naissance du colosse s'étant passée dans la douleur, avec plusieurs demandes de paternité au compteur, il y avait certes de quoi nourrir un scénario de long. Bon.
Le college movie est souvent un prétexte (cours, campus, ambiance estudiantine et sentiments adolescents) pour porter à l'écran des jeunes, sans parents dans les pattes, des fêtes sans fin (chouette, des nibards...), des histoires salaces, un joli cadre verdoyant (parce que le college movie à la fac de Nanterre, ça passerait vachement moins bien)... enfin tout ce qui faut pour faire un film agréable à regarder pour les mangeurs de pop corn. On y retrouve les pom-pom girls, les capitaines d'équipe de foot, les membres de l'administration coincés du cul et conservateurs, les geeks, les intellos, les cools et des scénarios tous identiques.
Oui, mais donc ? Pourquoi The Social Network n'est-il pas un College movie comme les autres ?
Oui, mais donc ? Pourquoi The Social Network n'est-il pas un College movie comme les autres ?
Parce que le personnage principal (très justement interprété par Jesse Eisenbergest) est à la limite du sociopathe, geek jusqu'au bout des lignes de code et profondément brillant, même si toute l'histoire nait finalement d'une simple déception amoureuse. Penchant plus du côté mon ordi c'est tellement ma vie que je porte que des claquettes de piscine, que du côté, j'ai des lunettes, t'as pas le droit de m'taper l'antihéros nous fait osciller entre la pitié pour une petite bête informatique et le rejet d'un être dépourvu de sentiments. Le capitaine de l'équipe de foot c'est un cyborg sous la forme de jumeaux tellement wasp que c'en est pas possible, les pom-pom girls, des asiates hystéros. Bref, des clichés pris à contrepied dans un film parfaitement rythmé, sans grand parti pris esthétique (Quoi mais t'es aveugle, c'est une photo dans la pure lignée de Se7en et Fight Club), mais on lui pardonne. Un portrait tellement juste d'une société en pleine mutation.
De l'avis de certains, David Fincher se serait assagi. Moins d'effets spéciaux dit-on, moins de caméras qui font la pirouette (cf. Fight Club et Panic Room) et un propos moins outrancier dans ses 3 derniers films. Depuis Zodiac, il serait donc devenu beaucoup plus classique et moins démonstratif. Je ne suis pas de cet avis pour une raison simple, c'est que, dans ses films, les effets spéciaux servent une histoire et non l'inverse. Imaginez Benjamin Button avec des ralentis et des caméras qui traversent les objets, pour nous parler d'une histoire d'amour d'un homme qui traverse le temps en sens inverse... où est l'intérêt. Chaque film à son sujet et le traitement qui lui convient et Fincher le sais très bien. En revanche les effets spéciaux sont omniprésents dans Zodiac (le San Francisco des années 70 refait par CGI -computer-generated image-), Benjamin Button (Brad Pitt vieilli et lifté à souhait) et The Social Network n'échappe pas non plus aux Special FX (l'acteur Armie Hammer est numériquement dédoublé en jumeaux Winklevoss). D'autre part les personnages des films de Fincher sont toujours des prisonniers de leurs obsessions et Fincher leur réserve toujours un traitement peu optimiste (David Mills dans Se7en, Jack dans Fight Club, Robert Graysmith dans Zodiac ou encore le fatalisme de Benjamin Button). Ici on le sait avant d'entrer en salle, Mark Zuckerberg n'a pas que des amis grâce à Facebook, mais le petit génie de Harvard suscite l'intérêt de Fincher pour son potentiel tragique et le bouleversement sociétal qu'a provoqué le plus jeune milliardaire au monde (mais Justin Bieber bosse dur pour le dépasser, il a déjà commander 4 caisses de gloss). Après Fight Club et ses hommes émasculés des 90's, Fincher scanne la geek generation des années 2000. Articulé par des dialogues rapides et incisifs, la structure de The Social Network rappelle un chat (miaou ?). Les échanges ne se font qu'en champ/contre-champ, chacun son cadre/chacun sa fenêtre. Zuckerberg ne sait discuter qu'à la porte (de sa chambre, comme de sa maison), il ne voit le monde qu'au travers de sa fenêtre, toujours derrière un filtre et Fincher poursuit ce parti pris dans sa réalisation. La narration est parfaitement maitrisée, croisant le récit à la fac avec les 2 procès contre Zuckerberg sans aucune répétition. Le rythme frénétique, où toutes les scènes se répondent les unes aux autres comme dans un dialogue (ça dépend avec qui le dialogue, moi j'connais des gens qui mettent des putain de disquettes) (traditionnellement les scènes s'enchainent), nous ramènent donc à l'idée de bouleversement dans les rapports "sociaux" d'un point de vue cinématographique. C'est donc Zuckerberg vs Winklevoss, geek vs wasp, auteurs (classiques) Vs réalisateurs (modernes, façon Fincher donc, ou Danny Boyle, Quentin Tarantino, un faux amis des auteurs, Jan Kounen et consorts) (heu, j'aimerais bien savoir pourquoi tu mets pas Max Pécas ?).
Comme son nom l'indique, The Social Network n'est ni un biopic' sur Facebook, ni sur son co-créateur ; c'est avant tout un film sur les rapports humains et les réseaux professionnels qui se font dès l'université (faudrait imaginer le même film sur la Fémis) (oh ! ça dénonce ! CNC, en***és !). Aujourd'hui tout le monde veut être "famous", veut être vu, joignable, en gros connecté avec le monde (merci Bill Gates). Ce qui n'est absolument pas le cas de Mark Zuckerberg, sociopathe (attention, tu reprends mes mots là...) confirmé (dans le film en tous cas), qui dès la scène d'ouverture fait preuve d'un malaise certain et d'un manque de confiance en lui dans un lieu de rencontre comme un pub. Il finira par se faire larguer et fuira dans sa chambre, traversant le campus tête baissée et au pas de course, sans saluer qui que ce soit. Arrivé dans sa chambre, son premier geste est d'allumer son ordinateur, puis accompagné d'une bière fraiche il retrouve ses aises devant son blog où il lâche tout son venin sur sa nouvelle ex'. C'est pas le genre de N*E*R*D* que l'on apprécie donc. Lorsque les autres étudiants font la fête, Zuckerberg, lui, fait de la programmation. Envieux des membres des Final Clubs qui se font livrer des nanas par bus (confirmé par Nathalie Portman, ex d'Harvard et consultante sur le scénario du film), Zuckerberg prend sa revanche en créant Facemash (site de vote de la plus bonne des plus bonnes filles d'Harvard). Avec 22 000 connections en 2h, il suscite l'intérêt de toute l'université et c'est là que les choses changent pour Mark. Fini le temps où l'on admirait les beaux blonds aryens champions olympiques et héritiers de très grosses fortunes. Aujourd'hui le geek fait des ravages et les wasp s'en prennent plein la tête à l'image des frères Winklevoss qui ne gagneront plus rien sur le plan sportif, comme sur le plan "réseau". Symbole absolu de la vielle garde conservatrice américaine, les jumeaux vont se retrouver face aux barrières qu'ils voulaient établir pour leur site HarvardConnect ("transformé" en Facebook par Zuckerberg, je mets des guillemets pour éviter le procès). Les clubs privés, les passe-droits de fils de..., le réseaux de papa tout ça c'est fini, mais les jumeaux ne l'ont toujours pas compris (la page facebook de Tyler Winklevoss, le vrai, n'est pas ouverte à "l'ajout" d'amis, c'est select) (ah ouais, carrément comme celle d'Elyzabeth II !).
Le paradoxe, qui fait toute la force du film, c'est que ce réseaux ouvert nait de la volonté du type le plus introverti de Facebook. Convaincu de son potentiel et du futur succès de son site, Zuckerberg avance tel un rouleau compresseur que rien n'arrête. "Marche ou crève" devient son adage et son meilleur ami, 'Wardo Saverin en paye les pots cassés. Trop naïf, 'Wardo est justement trop attiré par cette vie de privilèges, celle des Winklevoss, il rentre dans une confrérie et en accepte le bizutage, se case avec la première groupie et vend son site à l'ancienne en allant chercher des annonceurs pour les bannières du site. Zuckerberg trouve un écho chez Sean Parker (il est à Mark ce que Tyler Durden est à Jack), co-créateur de Napster, devenu une rock star du web fauché et parano. Mais les dérapages de son nouvel acolyte vont encore isoler Mark. Trônant seul, au sommet de sa tour de verre, avec une cravate qui lui va si mal, son meilleur ami c'est son site.
Portrait d'un cas (à part), comme Jack dans Fight Club, à qui Fincher ne cesse de donner des échos (Zuckerberg va en RDV en pyjama peignoir claquettes), The Social Network nous renvoie une certaine image de nous-même. Nous, membres du premier réseau social en ligne au monde, sommes les semblables des membres du projet chaos d'un certain Tyler Durden.
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