22 décembre 2011

A dangerous method - David Cronenberg - 2011


Après La Mouche, A History of violence et les Promesses de l'ombre (pour ne citer que les plus connus), on pensait avoir une idée claire de l'univers de Cronenberg et de la qualité de ses films. Sauf que comme tout humain qui se respecte, personne n'est jamais tout blanc, ou tout noir, ou toujours le même, et un beau jour, on se réveille en se disant, tiens, si je changeais de registre pour voir ! C'est ce même sentiment qui vous a un jour poussé(e) à acheter une paire de Doc Marteens alors que vous avez toujours porté des AirMax (ou l'inverse) et à vous en mordre les doigts une fois dans la cour de récré.

Si on retrouve certains ingrédients récurrents des recettes à la Cronenberg (photo léchée, mise en scène maîtrisée, efficace et casting au poil, sans oublier la présence de Viggo Mortensen, petit chouchou du réalisateur, et pour cause !) le scénario est pour une fois un peu plus linéaire, classique, j'irai même jusqu'à dire plan-plan, voilà, c'est lâché.
A Dangerous Method traite des relations houleuses entre Sigmund Freud et son "disciple" Karl Jung, à l'époque où la psychanalyse européenne n'en est encore qu'à ses balbutiements. Chacun conçoit le monde et les névroses humaines selon des filtres différents et la confrontation de leurs personnalités fait des étincelles. L'opposition Freud-Jung est abordée en filigrane ou en parallèle à la relation amoureuse et adultérine qu'entretient le probe Jung avec sa patiente Sabina Spielrein, violentée par son papa et jouée par Keira Knightley. Une fois les crises passées et la thérapie entamée, Keira se décrispe, arrête de singer le Gollum du Seigneur des Anneaux et finit par faire chavirer le cœur protestant de son thérapeute. Du coup sa femme est vénère et lui fait ses yeux de Chat Potté.

Tout ça pour dire que malgré un thème vraiment intéressant, des personnages plutôt grandioses, des robes romantiques et faciles à porter qui donnent envie de retourner 100 ans en arrière, quitte à mourir de la tuberculose et des acteurs renversants (à nouveau Michael Fassbender, méconnaissable, qui a décidément le vent en poupe et Cassel qui apparaît sous les traits peu flatteurs d'Otto Gross), bein j'ai franchement pas été emballée. Ça arrive. C'est dommage.

19 décembre 2011

Carnage - Roman Polanski - 2011

Comme vous l'avez sans doute déjà entendu à la télé (celle qui nous sert sa bouillie de chat), le dernier film de Roman Polanski adapte sur grand-écran la pièce de Yasmina Reza Le dieu du carnage. Tourné dans un appartement très new-yorkais, Carnage est en réalité un enfant de Bry-sur-Marne et ses studios. On pourra donc déjà saluer la prouesse du chef décorateur Dean Tavoularis (Apocalypse Now, Le Parrain, Bonnie & Clyde) pour son fond vert aux fenêtres (tenu par des stagiaires de 3e du collège Ricky Martin) et pour cette ambiance si arty/bobo/newyorkais qu'est l'appartement de Michael et Pénélope Longstreet.

Entre la cuisine, le bureau, la salle de bain et le palier, mais surtout dans le salon des Longstreet, Carnage est un huis-clos pas étouffant pour un sous entre quatre adultes propres sur eux. Pas étouffant et même balayé par une brise très fraîche pour tout vous dire, puisque très rythmé grâce à une mise en scène vive et proche du théâtre, où il faut bien occuper la scène pour pas endormir ses spectateurs.

Non seulement le film aborde une situation que l'on a tous, de près ou de loin, déjà vécue, mais en plus elle est interprétée par quatre EXCELLENTS comédiens, portés par un scénario aux petits oignons. Ou comment envoyer valser les convenances, la bienséance et la retenue que nous impose la vie en société, dès que l'humain est piqué au vif par des attaques personnelles ou réagit de manière épidermique face à la mauvaise foi, la cruauté, l'injustice, la certitude d'être dans son bon droit et j'en passe...

Jodie Foster joue donc la pimbêche frigide, tragédienne et faussement humaniste, qui intellectualise et amplifie tout, première avocate de la résolution des problèmes par le dialogue. Son mari un brin castré et pendu au téléphone avec sa mère est incarné par John C. Reilly (avec sa tête d'Ecossais et ses cheveux de mouton).
Dans l'autre coin du ring, Nancy et Alan Cowen interprétés par la délicieuse Kate Winslet, type bourgeoise guindée et vite piquée au vif et son tendre époux Christopher Waltz qui n'en a rien à battre de cette rencontre au sommet. Pendu à son portable pour régler un problème d'ordre professionnel, ses coups de fil créent des pauses et ajoutent ainsi au rythme du film puisque les adultes polis attendent la fin de sa conversation pour reprendre la leur et l'y impliquer.

A mesure qu'avance le film, la déchéance physique des personnages et la disparition progressive des convenances permet d'autant plus l’identification du spectateur et sa participation au pugilat. Les alliances se font et se défont et reforment de nouveaux couples tout le long du film, au fil de règlement de comptes personnels divers et variés.

Un vrai régal quoi.



15 décembre 2011

Shame - Steve McQueen - 2011

L'acteur américain Steve McQueen est mort en 1980. Il s'est réincarné en réalisateur noir et dodu. Bon. Steve McQueen 2.0 fait un film et prend pour acteur principal Michael Fassbender, la réincarnation de Rainer Werner Fassbinder, le réalisateur allemand mort en 1982. Si les deux étaient morts plus tôt, on aurait presque pu y croire...
 
Trêve de plaisanterie, alors il est comment ce Shame ?
Bah il part d'une bonne idée mais il m'a laissée comme un petit goût d'inachevé et comme des fourmis au cul. Si à ça on ajoute la dame malade qui se raclait 3 kg de mucus toutes les 3 minutes deux rangs devant, ça fait long la séance...

Brandon Sullivan vit à New York, il mate des vidéos pornos au petit-déjeuner comme au travail, invite des putes chez lui, multiplie les conquêtes et les regards lubriques dans le métro. Sa queue, c'est son GPS, quoi.
Brandon Sullivan a des petits airs de Patrick Bateman (le héros d'American Pshycho) la boucherie en moins : beau gosse irrésistible, un peu maniaque, imberbe et sportif, il bosse en costard cintré dans une grosse boite et sort boire des verres et rencontrer ses coups d'un soir. Bon. Mais encore ?
Brandon Sullivan est accro au sexe comme on peut l'être au jeu ou à l'alcool. Si l'addiction semble peu perturber sa vie, cette dernière a tout de même comme un petit goût merdique. Il vit seul, bouffe des restes de chinois (la cuisine, pas la personne), subit sa sœur (Carey Mulligan) pot de colle et paumée avec qui il a une relation un peu tendancieuse, se fait mettre à l'amende par son boss et perd sa trique devant une femme dont il pourrait tomber amoureux (la jolie fille de la photo, là).
Ce beau film à l'image léchée est plutôt agréable à regarder, il est centré sur l'humain et la difficulté d'assumer ses pulsions, mais bon... ça reste malheureusement un peu chiant quoi.

7 décembre 2011

Les Adoptés - Mélanie Laurent - 2011

La veille du jour où j'ai vu ce film j'étais en soirée mondaine dans la capitale et une poignée de personnes me soutenaient, à coup de yeux rouleurs, que Mélanie Laurent, dans la vie, elle a tendance à se prendre pour une princesse. Bah j'ai presque failli les croire en voyant le premier tiers des Adoptés. Dès le début, j'ai senti comme une vieille odeur de "La guerre est déclarée", dans le genre film bien pensant où la vie de bobo c'est trop cool et où on profite de l'exposition pour balancer toutes ses références culturelles et montrer combien on est cool et cultivé dans des ambiances intimistes.

Et puis peu à peu, on se laisse finalement glisser dans une histoire d'amour, toute fraiche et simple et intelligente et heureuse, du genre de celles dont on aimerait être les héros (mais tout le monde sait que dans la vraie vie c'est pas possible, parce que y a toujours une vieille histoire de vaisselle ou de couche moisie qui ressurgit). Denis Ménochet (Monsieur LaPadite, le papa de Mélanie dans Inglorious Basterds) est charmant et Marie Denarnaud, à croquer.
Au même moment, on commence aussi à se dire qu'une réelle prise de position artistique s'installe : des clairs obscurs élaborent une ambiance de peinture flamande, les plans sont pensés et esthétiques, l'univers est globalement beau et travaillé. Putain, ça change ! Enfin une réalisatrice qui n'oublie pas qu'elle fait du cinéma.

Du coup les deux autres tiers du films passent comme des lettres à la poste, l'amour tourne au drame total et on surprendra quelques spectateurs à s'essuyer les joues en se relevant. Le morceau du générique est hypnotique et signé Syd Matters. Si on mélange tout ça, on reste un peu collé à son siège une fois le film terminé, la boule à la gorge, en se disant que c'est plutôt une réussite, bah oui.

Big up au petit garçon, qui joue comme un pied, heu non comme un... enfant (regards éperdus à maman à côté de la caméra), mais quand même des fois il s'en sort pas si mal.

Et comme disait justement ma copine de séance : "Quand même entre traiter l'adoption et le coma, faudrait choisir..."

Cordialement

5 décembre 2011

Les Lyonnais - Olivier Marchal - 2011

Voici un film sur des bandits qui braquent soit des Crédit Lyonnais, soit des Bouchons lyonnais. Nan, c'est pas vrai.
C'est plutôt l'histoire d'une véritable équipe de bandits, Le gang des Lyonnais, ayant vidé quelques coffres de banques dans les années 70 et qui foutait grave les boules à la police, qui arrivait jamais à les pincer.

Le héros de l'histoire c'est Edmond Vidal (magistralement interprété par Gérard Lanvin), un beau gitan sexagénaire poivre et sel (nan, disons poivre et neige, la coiffeuse ayant un poil abusé sur la mèche blanche) avec un bouc taillé au cordeau, tout plein d'intégrité, de valeurs familiales, de respect de la parole donnée, un mec sévèrement burné, quoi.

Le film fait des allers-retours entre sa vie actuelle de retraité du crime vivant dans une villa de nabab et sa jeunesse, où il rencontre Serge Suttel (Tchéky Karyo) et avec lequel il va "tomber", pour une blagouse avec un cageot de cerises. On y voit les deux compères et leur clan gravir peu à peu les échelons du crime local et kiffer la vie de rêve dans leur roulotte. Le problème, c'est que Suttel part en cavale au moment où les autres tombent et qu'il refait surface 20 ans après. Mais il se fait choper (rho le con) et son clan va devoir arrêter de danser le flamenco de la talonnette pour le faire sortir de taule et bon, grosso modo, ça fout un peu le bordel.

Ceux qui aiment les films de gangsters seront donc servis, et ceux qui n'aiment pas trop ça, aussi. Pour ma part, j'ai détesté la fille qui arrêtait pas de fouiller dans son sac derrière moi avec ses boucles d'oreilles musicales, mais sinon j'ai plutôt apprécié le film (j'ai pas regardé la montre).

Le récit est centré sur les deux hommes et l'évolution de leur relation, y a pas ou peu de courses poursuites et des affrontements qui ne prennent pas trois plombes. Le film m'a paru bien rythmé, bien équilibré, insistant sur le côté humain, relationnel des personnages (trahison, force des liens familiaux ou d'amitié et difficulté à les garder en tête quand on évolue dans le grand banditisme ou qu'on tente de raccrocher).

En plus Marchal brosse un portrait qui sonne (putain, un portrait qui sonne, la double métaphore, n'importe quoi !!) plutôt juste de "La belle époque du banditisme", tendance c'était mieux avant parce qu'on avait des valeurs, une seule parole, les flics payaient des entrecôtes aux bandits, c'était la bonne époque quoi ! Les gitans y portaient des pattes d'eph et des moustaches de papa portugais (cf photo).