25 janvier 2011

Menace 2 society - Albert et Allen Hughes - 1993

Pour ceux qui ne seraient pas nés au début des années 80, oui, vous, les vieux, les frippés, les gaufrés, Menace II Society est un film, disons... de genre. Quartier chaud de L.A., violence urbaine, BO west coast et des tas de noirs aux pantalons qui tombent. Quand on regarde ça ado, on se dit "waouh, la grosse claque dans ma gueule ! On élargit son vocabulaire d'argot English grâce au nombre incalculable de "Bitch" et "Nigga". Après un Scarface et ses "fuck" à tire larigot, à 15 berges on se prend pour un caïd. Un film avec du rap, des mecs qui se canardent, ça parle de drogue, c'est un truc de ouf !" et quand on a 30 piges, on se dit "Mais tiens au fait, ça parlait de quoi dans le fond ce film ?" Même si ce n'est pas une référence en soi, le Festival de Cannes, où il avait été repéré, avait à l'époque salué la prouesse de ses deux réalisateurs de 21 ans.

Pour resituer l'action, Caine, jeune lycéen, vient d'avoir son bac et se demande ce qu'il va en faire. Parents morts des travers de la rue, seuls les grands-parents et deux amis (un futur Malcolm X et un joueur de foot, les seules voies possibles ?) le poussent à poursuivre les études. Le temps d'un été, Caine va devoir faire un choix : trainer dehors et vivre la vie presque obligée de son quartier (deal, règlements de compte et violence gratuite) ou faire le réel effort de se couper d'un milieu mortifère et prendre son destin à deux mains. Et puis il y a une petite minette, Ronnie, mi inaccessible, mi salvatrice (Jada Pinket à l'époque où sa pince à épiler ne s'approchait pas de ses sourcils), nana du mentor de Caine, en tôle. Celle-ci lui propose de la suivre et vivre ailleurs. Caine a donc l'embarras du choix. Telle un chant de sirène, la violence et la drogue sont les tentations les plus fortes, celles qui vont le charmer les premières. "On n'échappe pas à son environnement" pourrait être le pitch (la petite phrase d'accroche des affiches de film) du 1er long des "Hughes Brothers". Caine n'a effectivement "qu'à se baisser" en sortant de chez lui. Seringue, "gros fer" (voitures de luxe), junkie, armes à feu et filles faciles, Caine s'essaye à la vie de dealer, beeper en poche (90's oblige, nous avions bien nos Alphapage, Tatoo, Tam-Tam et autres Kobby...).

Tremplin vers une carrière d'acteur pour bon nombre de rappeur U.S (The murder was the case: the movie avec Snoop Doggy Dogg, alors qu'est-ce qu'on attend?), les G-movies ont, comme beaucoup de genres, laissé apparaitre un tas de nanars, pour la plupart disponibles chez nous en "direct to vidéo" pour combler la fascination des fans hardcore de G-funk. C'était l'occasion pour les boutonneux (parle pour toi) que nous étions de découvrir la "street life" comptée par nos rappeurs préférés. Il y avait Original Gangsta (Pam Grier), Above the Rim (Gangball, avec 2pac, dans votre VidéoFutur de l'époque), Sunset Park (connu pour sa B.O immense), Poetic justice (pour les fleurs bleues), The Substitute (avec Tom Berenger, repenti depuis) et son clone féminin Dangerous Mind (Esprits rebelles, sur lequel Coolio nous faisait hocher la tête avec son Gangsta's Paradise, et dont Michel Pfeiffer ne s'est jamais remise) ou encore New Jack City de Mario Van Peebles avec Westley Snipes et Ice-T. Film phare des G-movies qui ont pullulé pendant les années 90, à l'instar de Boyz in The Hood qui révéla John Singleton (Il fait quoi maintenant ?...), Menace 2 Society frappe pour son portrait encore vrai aujourd'hui (voir pire) de la "Ghettoyouth attitude" comme le disent les casquettes vertes des tours HLM. Par exemple, O-dog reste un personnage culte (voir la scène du burger) malgré le surjeu de Larenz Tate. Les femmes, le machisme et la fierté masculine, l'amitié "virile", la mentale, tous les détails de la vie de voyous, de gangster même, sont présents. Le film frappe au visage comme un coup droit "d'Iron Mike" Tyson car dans les gangs de L.A, contrairement aux Affranchis et autres mafias comme on les connait, pour la moindre broutille tout prend une dimension paroxysmique. Le moindre mot de trop, le moindre pas hors des clous se paie cher et sur la place publique. Pour grandir, on doit écraser les autres, si possible en toute impunité et de manière désinvolte, au risque de ce faire écraser soi-même.

C'est peut-être aussi le sort réservé aux Frères Hughes une fois arrivés à Hollywood sur le piédestal cannois. Avec leur jeune âge, les frangins n'ont pas tant brillé par la suite, malgré des projets alléchants (From Hell , adapté du roman graphique d'Allan Moore, rien que ça). Il faudra attendre 2010 et Le livre d'Eli pour les retrouver en forme. Maintenant que le tour de chauffe est fait on a hâte de voir la suite.

24 janvier 2011

Harry Brown - Daniel Barber - 2011

Papi fait-il de la résistance ? Papi peut-il faire la loi comme il l'entend parce qu'il considère que la police est à la bourre ? Papi peut-il vraiment courir après des malfrats alors qu'il a visiblement des problèmes respiratoires ? Papi peut-il entrer dans un squatt de toxicos aux chicos pourris et y passer 10 minutes sans se pisser dessus ? Et bien si votre papi s'appelle Harry Brown, alors OUI. Sauf que dans le film en question, Papi tente de courir après les voyous mais s'effondre, il a beau jouer au costaud, il finit à terre avec des coups de latte en bonus.
Vous l'aurez donc compris, bien que l'on sillonne les terres du GRAND Dirty Harry et de Charles Bronson (Night watch et cie.), notre héros british n'a pas la grande forme, bien que retraité de l'armée. Finalement on peut se dire que ça évite de payer 8 euros  (pour ceux qui allaient au ciné en 1980, après conversion) pour voir Vin Diesel ou Musclor. C'est comme les pubs Dove avec des "filles fortes" ou un JT avec un "beau noir," on se dit "ah bah ça change au moins !"

Au delà du caractère "vigilante movie" apparent, Harry Brown s'avère être un portrait accablant de la montée de la violence dans les cités londoniennes. Le manque d'approfondissement des jeunes cailleras parait presque cliché, le but ici n'est pas de chercher les sources de leurs problèmes mais plutôt de parler de ceux que ça emmerde. Donc Harry Brown est un retraité de l'armée qui n'ose plus prendre le petit tunnel qui raccourcit son chemin pour aller voir sa femme mourante à l'hôpital. Un jour il apprend que son ami, joueur d'échecs, Leo a été battu à mort par les petits zulus du coin. C'est décidé, Harry (clin d'oeil à l'inspecteur Calahan donc)  va s'organiser et botter le fion à ces petits morveux.
L'un des points positifs de ce film, c'est qu'il apporte une bouffée d'air frais face aux grosses machines hollywoodiennes, dans le sens où un mec qui s'enfuit n'ouvre pas une scène de poursuite de 20 minutes et une seule balle tirée suffit pour faire tomber un homme. Pas besoin d'en faire des caisses, quoi. Ça sent davantage la réalité, trait qui convient si bien au cinéma britannique dans son ensemble et que l'on finira peut-être  par reprocher à l'industrie cinématographique d'Outre-Manche (qui as plus de sous et donc propose des productions plus variées avec là aussi des films qui sentent bon le vrai).
Malgré, un démarrage un peu mou, à l'image du héros septuagénaire, le film prend son envol après une scène d'ivresse où Harry retrouve ses réflexes de soldat en croisant un junkie. Comme on vous l'a dit, il était peut-être soldat mais Harry Brown n'a pas la forme d'Usain Bolt mais peut être la détermination de Porter (héros de Payback) et la statégie d'un Batman. Le film nous aspire donc dans une plongée en pleine crasse des "hood" cockneys, dont certaines séquences nous rappellent Se7en. La mise en scène de l'action se répète et l'épilogue sent bon la facilité, mais à part cela Harry Brown parvient à vous emmener à destination et devient un portrait à charge contre le carriérisme des politiciens anglais. Pour nous petits spectateurs français, le parallèle avec les émeutes de 2005 est immédiat et au delà du film politique, il reste un objet intéressant à découvrir.

18 janvier 2011

Mon Oncle - Jacques Tati - 1958

Du haut de mes 10 ans et de ma petite vie bien rangée par ma grosse maman femme au foyer, mon oncle est un bel hurluberlu. Il n'a pas de voiture comme nous et tous les autres nouveaux heureux consommateurs des années 50, mais un vélo (un solex) avec lequel il se faufile dans le trafic. Il ne vit pas dans une maison froide et cubique et tellement design avec tout un tas de gadgets tellement complexes qu'ils en sont inutilisables, mais dans une vieille bicoque tordue dans un recoin de la ville qui sent bon la vieille France. Et puis il n'a pas de travail, c'est pas comme papa, n°1 d'une boite qui chie du tube en plastique à n'en plus savoir qu'en faire.
Chez Tati, il est souvent question de railler les petits travers d'une société qui s'ouvre à la modernité, à la consommation, qui aime se montrer, que tout soit parfait, que les apparences soient sauves (voir la scène récurrente de la fontaine que l'on met en route uniquement lorsque des étrangers passent le portail !).
Le film suit donc les aller-retour de l'oncle (Tati lui-même) de chez lui à chez sa sœur (la dondon de la maison Le Corbusier), en passant par l'école du petit Georges, l'usine de papa et le quartier franchouillard où les enfants font des crasses aux passants. Toujours est-il que sous la comparaison sympatoche, le portrait sociétal, bah on se fait un peu chier. On baille aux corneilles, même. Tati a beau être cité et récité à tort et à travers (chez Jeunet, Ozon, dans les Triplettes de Belleville ou plus récemment l'Illusionniste) son œuvre sent la poussière de grenier. Il n'en reste qu'une poésie naïve, centrée sur M. Hulot, qui fait sourire souvent, rire parfois. Mais le discourt franchouillard et manichéen du Frigidaire VS la cave à vin laisse de marbre. L'absence de péripéties (c'est du 100% cinéma français, j'vous le garantis ma p'tite dame) laisse le récit creux et le spectateur loin des préoccupations des personnages (mais en ont-ils d'ailleurs ?).

Mon oncle et l'œuvre de Tati dans l'ensemble restent à découvrir (les dimanche de pluie en faisant du tricot), au moins pour son audace visuelle, ce qui le démarque de beaucoup de ces semblables.

5 janvier 2011

Faites le mur - Banksy - 2010

A la base,  Exit through the gift shop (titre ô combien plus évocateur du contenu que sa version française : Faites le mur) est un documentaire sur le Street Art. Inutile de vous rappeler (phrase purement rhétorique pour introduire le fait qu'on va quand-même le faire) que le Street Art rassemble aussi bien le graff à la bombe ou au pochoir, que le collage ou l'installation et tout ça sous la bannière de la gratuité et de l'illégalité (malgré la beauté ou l'intérêt culturel et agitateur évident de nombre de ces œuvres).
Dans tout ce bazar, il y a un grand nom, Banksy, auteur de pochoirs inspirés sur le mur de Gaza, artiste ayant remplacé des albums de paris Hilton par des copies presque conformes, et ici, réalisateur du documentaire. Réalisateur, instigateur, manipulateur ? Le terme reste à préciser, puisque son film soulève mille et une questions.
Tout commence par un plan sur Bansky, visage dans l'ombre, nous expliquant qu'il nous emmène à la rencontre de Thierry Guetta, un hurluberlu (dont l'accent français est à trancher au couteau) qui passe sa vie à filmer les autres. Le Street Art et quelques uns de ses grands acteurs en toile de fond, le film suit l'itinéraire de ce Guetta, du moment où il commence à côtoyer le milieu jusqu'à son expo pharaonique à L.A. C'est un portrait qu'aucun Street Artist ne voudra cautionner, puisque Guetta fait l'impasse sur tout : sur la création, le travail, l'implication personnelle, la recherche, la lente construction d'une identité artistique. En sortant du film, on se dit, mais merde, il est sympatoche, mais il est quand-même abusé ce Thierry Guetta ! Pour couronner le tout, les œuvres du Street Artist autoproclamé se vendent plusieurs milliers de dollars, la critique s'enflamme, le public se rue.

Brûler toutes les étapes nécessaires à l'éclosion d'un artiste (voire d'une identité, d'une patte...) pour atteindre directement gloire et reconnaissance, jeter l'art de rue en pâture aux spéculateurs et collectionneurs, c'est bien là le mal de notre société, et sans doute celui que Banksy et ses acolytes ont voulu mettre en avant. Reste à savoir maintenant quel est le vrai du faux, face à ce docu qui mène le spectateur par le bout du nez : tous les personnages, Banksy le premier, sont-ils complices de Guetta ? Son expo, le docu sont-ils en eux-mêmes une œuvre de Street Art, qui dénonce, qui malmène, qui interroge ? On aimerait bien croire que oui !

Mais qui est ce Thierry Guetta? Un Français, aux favoris qui font pâlir de jalousie un Wolverine métrosexuel, installé à L.A qui a fait son beurre en revendant des fringues nases (de son propre aveu) aux bobos locaux (Hipsters). Comme expliqué plus haut, il est devenu vidéaste amateur, véritable témoin du Street Art avec ses milliers d'heures de rushs dont il ne fait rien. D'après ses dires, Banksy le pousse à en faire un film et Thierry finit par prouver qu'il est un excellent monteur de bande annonce d'1h30, mais pas pour autant réalisateur. Toujours d'après le film, étant frustré du film de Thierry, Banksy le poussa gentiment à devenir Street Artist. Pendant ce temps, Banksy récupère tout les rushs de Thierry pour en faire le film qui nous est projeté. Pourquoi répéter "d'après le film" ? Simplement car Thierry "Mr Brainwash" Guetta a tout d'un "fake", d'un personnage fictif, mais le mystère reste entier. Son expo à bien eu lieu, il a bel et bien fait la pochette d'un best-of de Madonna, il donne des interviews où il la fait à l'envers aux journalistes, etc. En gros, Mr Brainwash semble tellement se moquer de l'establishment (qui le met sur un piédestal), il est tellement "bigger than life" qu'on soupçonne Banksy de nous faire un happening, une œuvre éphémère, ou tout ce que voudront bien inventer les "spécialistes" de l'art, qui se trouvent être les premier bernés.

Exit through the gift shop ose finalement poser la question de "est-ce que des Thierry Guetta-like sont des artistes ?" à une époque où la pensée unique tenterait d'élargir cette définition à tous les wannabe nouvelle star, acteurs et autres Shirley et Dino... Comme si on pouvait comparer Mozart à Nolwenn Leroy ou Picasso au coup de crayon d'un gosse de 4 ans...