26 novembre 2011

In time (Time out) - Andrew Niccol - 2011

Commençons par le commencement : c'est pas trop absurde d'adapter le titre original In time en Time out ? Si on considère que les Français manient moyennement l'anglais et n'aiment pas spécialement la VO, dans tous les cas ils ne voient pas la différence. D'un point de vue linguistique, c'est vrai que Time out colle mieux à l'idée du scénario, mais de quel droit on change les titres ? Dans ce cas là renommons Les petits mouchoirs en Les bobos à la plage et 127 heures en Éboulis mortels.

Sinon pour ce qui est du film, bah, on a eu ce qu'on attendait.
Sur le papier, Andrew Niccol est le scénariste du Truman show et réalisateur de Bienvenue à Gattaca, autant dire que c'est plutôt la classe quoi. Bien que la bande-annonce ne sente d'emblée pas le chef-d’œuvre, le postulat de base d'une nouvelle uchronie était alléchant :
Dans un monde ultra-libéral ou l'argent est en fait du temps de vie, les riches vivent retranchés de peur qu'on ne les braque (il suffit de se serrer la pince pour voir ses secondes transférées au mec d'en face). On arrête de vieillir à l'âge de 25 ans, majorité à partir de laquelle on peut commencer à échanger, gagner, dépenser son temps et après laquelle il ne reste théoriquement plus qu'une année en stock (enfin surtout pour les pauvres). Chacun porte un compteur phosphorescent sur le bras, ça brille dans la nuit, un peu comme ce portable si utile quand tu as besoin de faire pipi dans la forêt, tiens d'ailleurs le portable n'existe pas dans ce monde.

Comme souvent dans les films du genre, l'époque est difficilement identifiable, ici légèrement rétro (voitures, téléphones et méchantes brutes entre T-Birds de Grease et Sharks de West Side Story), mais moderne dans les vêtements, la conception et la gestion planétaire de la nouvelle richesse, le temps (évolution et transferts à l'échelle mondiale), pas du tout futuriste, mi-figue mi-raisin quoi, Niccol n'a pas voulu se mouiller. Ou peut-être qu'il n'a pas eu le budget, toute les subventions étant passées dans la luxueuse villa des Weis et du coup y avait plus que 12 dollars pour le reste des décors...
Dans le 'ghetto', la population vit au jour le jour, soumise à un travail aliénant, grosses usines et uniformes rappelant très vaguement d'autres grands frères plus ambitieux (Soleil vert ou l'indétrônable Brazil).

L'avantage de mettre au scénario qu'on arrête de vieillir à 25 ans (mais pourquoi ??), c'est aussi de pouvoir se goinfrer avec toutes les nouvelles têtes à la mode. Justin Timberlake porte un rôle qui lui va bien et qu'il joue correctement, on aurait alors pu s'attendre à voir son complice de Disney Ryan Gosling qui a tellement le vent en poupe en ce moment, mais non, on y verra plutôt Vincent Kartheiser et son insupportable petite bouche rubiconde et humide, à l'identique de son rôle de Prout Campbell dans Mad Men, ou le Robert Fischer d'Inception, alias Cillian Murphy. Y a aussi une fille avec des yeux globuleux, Amanda Seyfried (blop, blop, bulle).

Et sinon dans le fond ? Dans le fond, ce film américain hautement socialiste (oui, c'est possible !) fait l'apologie de la redistribution des richesses et de la mixité sociale, les capitalistes manquent d'humanité et rien de mieux que de sortir avec une racaille pour comprendre c'est quoi la vie en vrai : tout est question de choix, ne pas profiter de son temps de peur de risquer sa vie ou courir follement après pour voir un nouveau jour, même pourri, se lever sur son ghetto.


C'est donc l'amour et l'humain qui gagnent dans ce film plein de bons sentiments. Houuu aux chiottes les méchants capitalistes. On s'est pas fait chier parce que le concept est intéressant, mais c'était tout juste (parce que les prises de position sont un poil molles) !

P.S. : merci au réalisateur de ne pas avoir fait tomber la fille lors des courses poursuites, ça change. Quelles cruches ces filles.

21 novembre 2011

L'ordre et la morale - Mathieu Kassovitz - 2011

Attention, boule puante !

Dans "Ce soir ou jamais", Mathieu Kassovitz était venu il y a quelques semaines défendre bec et ongles son film, face aux protagonistes (cette fois en chair et en os) de L'ordre et la morale et aux côtés de Philippe Legorjus, commandant du GIGN, qu'il incarne à l'écran.

La mauvaise foi des puissants papis d'une autre ère y était déjà flagrante (au final, Chirac qui feint la démence pour échapper à son procès le prouve tout aussi bien) et le peu de temps dont disposaient Kassovitz et Legorjus pour se défendre engendre un peu de frustration. Bref, toujours est-il qu'on n'est jamais si bien renseigné que par soi-même et que voir le film, ça aide à se faire une idée (hein, monsieur Pons ?).

Les faits : en 1988, un groupe d'indépendantistes Kanaks décide d'investir pacifiquement une gendarmerie. Après la mort de quatre gendarmes, les indépendantistes sont contraints de conduire les otages dans une grotte. De son côté, la France vit l'entre deux tours de l'élection présidentielle opposant le président Mitterrand à son premier ministre de cohabitation Jaques Chirac.


Plus de 20 ans après la prise d'otages de la grotte d'Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie, Mathieu Kassovitz aborde ce sujet à contrepied de la version officielle. Que l'on prenne cette version pour parole d'évangile, tout simplement parce qu'elle est très crédible, ou que l'on craigne un parti-pris aveuglé par l'antigouvernementalisme notoire du réalisateur, finalement peu importe.
Dans tous les cas, le film est déjà une réussite visuelle grâce à une mise en scène forte et intelligente. Les scènes de l'introduction et du récit de la prise d'otages sont d'une efficacité et d'une puissance redoutables. Kassovitz n'y met pas de chichi, juste des bonnes idées, au service de la narration et de l'émotion.
L'ordre et la morale constitue en soi une preuve flagrante que le cinéma français (l'autre, celui dont on nous abreuve le reste de l'année) manque de souffle, d'inspiration et d'ambition. J'ai longtemps rechigné à chier sur le cinéma hexagonal, mais là je dois avouer que la différence est flagrante. C'est un peu comme bouffer du Mcdo pendant des années et finir par se faire un burger maison : c'est une révélation.

Vient ensuite la partie "ces gens qui nous gouvernent, quelle belle bande d'enculés" à laquelle j'adhère totalement. Et c'est cette prise de position qui donne tout son souffle au film, qui le rend tellement humain.
Du début à la fin, Kassovitz-Legorjus n'aura de cesse d’œuvrer pour une solution pacifique. Chargé de négocier la libération des otages et d'éviter le bain de sang, Legorjus se heurte à l'aveuglement des politiques qui veulent sauver leur peau dans l'élection présidentielle et à l'entêtement des militaires qui ne se sont pas engagés pour fraterniser... La volonté naturelle de préserver la vie est broyée par la grosse machine politique. Ça foutrait presque la gerbe si ce n'était pas déjà notre quotidien.
Au XXe siècle, l'humanisme n'est plus aux commandes. Seul compte le pouvoir. Au détriment du reste, de l'Homme, de la paix et grâce à l'appui de la violence.

Le seul petit bémol, ce sont des rôles parfois un peu mal joués à mon goût et des scène d'engueulades souvent poussives...

Bref, courrez vite au cinéma.